Pensions alimentaires - Appréciation de l'état de besoin
Principe
Pour qu'une pension ait un caractère alimentaire et soit déductible, 3 conditions doivent être remplies :
le créancier doit être dans le besoin, c'est-à-dire démuni de ressources lui assurant des moyens suffisants d'existence. Cette notion de besoin présente un certain caractère de relativité : elle dépend notamment de la situation de famille du créancier et, dans une certaine mesure, de sa situation sociale,
l'état de besoin du bénéficiaire de la pension doit procéder de circonstances indépendantes de sa volonté,
le débiteur doit être en état de fournir les aliments. Ses propres ressources doivent être supérieures à ce qui est nécessaire à la satisfaction de ses besoins essentiels, appréciés comme ceux du créancier.
Le fait que les sommes versées par le débiteur de la pension ne soient pas disproportionnées à ses ressources ne suffit pas à leur conférer le caractère d'une pension alimentaire car il est nécessaire, d'autre part, que celui-ci établisse que ces sommes étaient nécessaires à la satisfaction des besoins du bénéficiaire de la pension.
Les notions "d'état de besoin" et de "faibles ressources" ne sont définies en fonction d'aucun plafond ou barème susceptibles de s'appliquer uniformément à tous les contribuables. Le fisc et les différentes juridictions (en cas de désaccord entre le fisc et les contribuables) apprécient au cas par cas la notion d'état de besoin en fonction des circonstances propres à chaque cas particulier.
Certains arrêts font référence au SMIC considérant qu'une rémunération inférieure au SMIC est synonyme d'état de besoin mais l'administration a précisé que le SMIC ne pouvait être un critère absolu . Un enfant percevant des rémunérations supérieures au SMIC peut donc être considéré comme étant dans le besoin.
Pour apprécier l'état de besoin d'une personne, il faut prendre en compte toutes les ressources du bénéficiaire de la pension (revenus d'activité, pensions perçues par ailleurs, prestations sociales et notamment aides et allocations de chômage). Il faut également tenir compte de toutes les dépenses supportées par le bénéficiaire de la pension pour appréhender ces revenus.
Illustrations jurisprudentielles
Des exemples tirés de la jurisprudence permettent d'illustrer ces principes.
Caractère alimentaire non reconnu
Les juges ont refusé la déduction des pensions dans les conditions suivantes :
un contribuable dont le traitement annuel était de l'ordre de 150 000 € par an prétendait ne pas pouvoir déduire de son revenu global la somme de 12 000 € qu'il avait versée à sa mère, alors que cette dernière avait perçu, au cours de l'année considérée, des fermages d'un montant brut de 107 000 € ainsi qu'une pension de retraite de 15 000 € ;
un père ne peut pas déduire la rente qu'il verse à son fils qui exerce un emploi rémunéré et n'est donc pas privé de moyens d'existence ;
la pension versée à une fille mariée n'est pas déductible lorsqu'il ressort de l'instruction que cette dernière ne se trouve pas hors d'état de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants ;
des parents ne peuvent pas déduire les pensions alimentaires qu'ils versent à leurs filles étudiantes au motif que celles-ci, usufruitières des titres de 2 SCI (dont les parents sont nus-propriétaires), avaient déclaré des revenus fonciers imposables, et ce, bien qu'une part importante de ces revenus n'aient pas été perçus effectivement par elles, les revenus de la SCI étant affecté au remboursement d'un prêt contracté par l'une des 2 sociétés. Les parents n'apportaient pas la preuve que les revenus fonciers déclarés (16 000 € en moyenne par enfant et par an) ne leur procuraient pas de ressources suffisantes pour faire face à leurs besoins. Les juges se sont fondés sur le principe selon lequel les revenus des sociétés de personnes relevant de l'IR sont réputés réalisés dès la clôture de l'exercice, et acquis à cette date, à chacun des associés. Ils ont donc écarté l'argument selon lequel les filles n'ont en pratique pas eu la libre disposition de ces sommes, les statuts des SCI prévoyant que les revenus devaient être affectés au remboursement du prêt contracté par la SCI.
Caractère alimentaire reconnu
Au contraire, les juges ont admis la déduction des pensions dans les cas suivants :
les dépenses supportées par un contribuable gravement malade pour assurer le logement et la nourriture de sa fille majeure, qui a quitté son emploi pour le soigner, l'intéressée se trouvant, de ce fait, démunie de ressources et hors d'état de subvenir à sa propre subsistance (à cet égard, les juges ont indiqué que les soins reçus par le père n'ont pas eu pour effet de faire perdre à l'aide qu'il apporte à son enfant le caractère de gratuité que comporte l'obligation alimentaire) ;
un contribuable peut déduire une pension alimentaire versée en faveur de sa mère qui se trouve démunie de ressources suffisantes pour assurer sa subsistance après que celle-ci ait eu fait donation à ce dernier, sans contrepartie, de la nue-propriété de 2 immeubles ainsi que de bois et de prés (le Conseil d'Etat a ainsi rejeté les arguments retenus par les 1ers juges qui ont refusé la déduction de la pension au motif que la débitrice s'était volontairement privée de revenus en effectuant la donation de ses biens au profit de son fils. Dans cette situation, selon le Conseil, seule une fraude à la loi pourrait remettre en cause la déductibilité de la pension).