Stock-options, actions gratuites et BSPCE attribués à des salariés ou dirigeants migrants
L'imposition des gains liés à l'attribution de stock-options ou de dispositifs similaires (BSPCE ou attributions gratuites d'actions) pose des difficultés lorsque leurs bénéficiaires sont sujets à une mobilité internationale, du fait de l'existence de disparités entre les législations internes et d'interprétations divergentes des clauses des conventions fiscales.
L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques qui est à l'origine du modèle de convention fiscale internationale OCDE et cherche des solutions aux problèmes communs des pays membres) s'est penchée sur ces questions et a abouti à l'approbation, le 16 juin 2004, d'un rapport conforme à l'approche de la France, clarifiant les modalités d'imposition de ces gains.
Il en ressort que, sous réserve que la convention en décide autrement, l'imposition des gains de levée d'option, d'acquisition gratuite d'actions, ou réalisés dans le cadre de BSPCE, doit être répartie entre les différents Etats au prorata des périodes d'activité salariée exercée dans chacun d'eux pendant la période de référence.
Note
Les gains réalisés par des non-résidents sont par ailleurs susceptibles d'être soumis à la retenue à la source spécifique aux dispositifs d'actionnariat salariés.
Stock-options
A l'exception de la convention fiscale franco-américaine, les conventions fiscales signées par la France ne contiennent généralement pas de dispositions spécifiques concernant l'imposition des gains de levée d'options.
Leur sort fiscal dépend donc de la qualification des gains issus de ces plans.
L'OCDE, comme le droit interne, attribue aux gains de levée d'option la nature de complément de salaire (imposable en principe dans l'Etat d'exercice de l'activité), alors que la plus-value de cession des titres ainsi levés est qualifiée de gain en capital (imposable en principe dans l'Etat de résidence du bénéficiaire).
Détermination de la part imposable dans chaque Etat
Les gains de levée d'options sur titres sont imposables dans le ou les Etats dans lesquels l'activité récompensée par l'attribution de l'option a été exercée.
Pour connaître la part du gain de levée d'options imposable dans chaque Etat, il convient donc :
en 1er lieu de déterminer l'activité en contrepartie de laquelle les options ont été attribuées,
et en 2nd lieu de définir le ou les Etats sur le territoire desquels cette activité a été exercée et de répartir en conséquence l'imposition du gain de levée d'options.
Détermination de l'activité justifiant de l'attribution des options : Période de référence
L'attribution d'options sur titres peut récompenser des services passés, des services futurs ou les deux. Les services auxquels l'attribution d'options se rapporte sont déterminés en fonction des circonstances de l'espèce, notamment des documents contractuels.
En cas de doute, il convient de considérer que les options sont accordées aux salariés pour les fidéliser et les inciter à améliorer leurs performances et qu'elles se rapportent donc à des services fournis postérieurement à leur attribution. D'une manière générale, l'activité justifiant l'attribution des options est celle qui est exercée entre la date à laquelle les options sont attribuées et la date à laquelle le bénéficiaire acquiert définitivement le droit d'exercer l'option (même si l'option n'a pas encore été levée). Cette période est appelée "période de référence".
Ainsi, lorsque le salarié doit satisfaire certaines conditions pour acquérir ses options, la période de référence court de la date d'attribution de l'option au jour où ces conditions sont satisfaites.
En revanche, lorsque le bénéficiaire est propriétaire de l'option au jour de son attribution, elle est en règle générale réputée rémunérer ses performances passées. La "période de référence" correspond alors au jour d'attribution de l'option, quand bien même le bénéficiaire ne pourrait exercer l'option qu'à l'issue d'un délai (période de blocage), où l'option pourrait devenir caduque.
Exemples
Rémunération de services futurs
Le 1er janvier
N, une option d'achat est attribuée à un salarié. Le droit d'exercer
cette option est soumis à la condition de réalisation d'un chiffre
d'affaires d'un montant de 100 000 € avant le 1er janvier N + 3. Ce chiffre d'affaire
est atteint le 1er
avril N+2.
Dans ce cas, l'option est attribuée en contrepartie des services accomplis
après son attribution. La période de référence court de l'attribution
de l'option jusqu'au jour où le salarié réalise l'objectif fixé, c'est-à-dire
du 1er janvier
N au 1er avril
N+2.
Le 1er janvier
de l'année N, une option d'achat est attribuée à un dirigeant. Il
n'en sera propriétaire qu'à la condition qu'il soit toujours salarié
de la société le 1er
janvier N+4 mais, en raison de la législation commerciale applicable,
ne pourra l'exercer qu'à compter du 1er janvier
N+6.
Dans ce cas, l'option se rattache aux services accomplis entre le 1er janvier N et le 1er janvier N+4 puisque,
à cette date, le droit du dirigeant d'exercer son option ne peut plus
être remis en cause.
Rémunération de services passés
Le 1er janvier de l'année N, une option d'achat est attribuée à un salarié à la seule condition qu'il soit présent dans l'entreprise au jour où il l'exercera. Dans ce cas, l'option est acquise dès son attribution puisque le salarié peut l'exercer immédiatement. S'il quitte l'entreprise, il perd son option et la question de la répartition du droit d'imposer ne se pose pas. La période de référence correspond au 1er janvier N.
Modalités de répartition de l'imposition du gain de levée d'option
Lorsque, pendant la période de référence, le salarié a exercé cette activité dans plusieurs Etats et que les rémunérations correspondantes y sont imposables, l'imposition du gain de levée d'option doit donc être répartie entre eux au prorata du nombre de jours pendant lesquels les services auxquels se rapportent les options ont été fournis dans chacun d'eux.
Dans le cas où le salarié, au cours de la période de référence, exerce son activité dans un Etat sans que sa rémunération y soit imposable en application des dispositions conventionnelles (notamment en application de clauses dites de "mobilité temporaire" qui, par exception au principe d'imposition dans l'Etat d'exercice de l'activité, maintient l'imposition du revenu d'emploi dans l'autre Etat ou de régimes transfrontaliers), cette période d'activité doit être prise en compte dans l'Etat auquel est attribué le droit d'imposer la rémunération correspondante.
Ainsi, la fraction du gain imposable dans un Etat est déterminée au prorata du nombre de jours d'activité exercée dans l'Etat considéré pendant la période de référence, en appliquant la formule suivante :
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Nombre de jours au cours duquel le salarié est affecté dans l'Etat considéré correspondant à l'activité rémunérée par l'attribution des titres (taxable dans cet Etat) |
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Nombre total de jours correspondant à la période de référence |
Exemple
Un salarié est résident de l'Etat A le 1er janvier 2014 et y travaille. Il se voit attribuer une option d'achat d'actions le 1er janvier 2014. Le plan prévoit qu'il ne pourra acquérir définitivement le droit d'exercer l'option que s'il occupe cet emploi jusqu'au 1er janvier 2017. Il est affecté dans l'Etat B à compter du 31 décembre 2015. Du fait de son mauvais état de santé, il quitte son emploi le 30 juin 2016, mais est autorisé à conserver l'option. Il exerce cette option le 1er janvier 2017.
Dans ce cas, dès lors que le salarié a quitté son emploi le 30 juin 2016, la période de référence court du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016, soit 911 jours ((2 x 365) + 181).
Le gain de levée d'option est imposable à hauteur de 80 % dans l'Etat A (729/911) et à hauteur de 20 % dans l'Etat B.
Elimination des doubles impositions
Les doubles impositions éventuelles sont éliminées en principe dans les conditions prévues pour les revenus d'emploi dans la convention fiscale conclue entre la France et l'Etat d'exercice de l'activité à laquelle se rattachent les options :
soit selon la méthode de l'exemption : la France renonce à son droit d'imposer mais tiendra compte du revenu pour le calcul du taux effectif,
soit selon la méthode d'imputation d'un crédit d'impôt égal soit à l'impôt payé à l'étranger, soit à l'impôt qui aurait été payé en France.
Application aux gains d'acquisition d'actions gratuites
En cas de mobilité internationale du salarié bénéficiaire, le gain d'acquisition est imposable dans le ou les Etats dans lesquels l'activité rémunérée par l'attribution gratuite a été exercée, sous réserve que la rémunération perçue au titre de cette activité soit imposable dans l'Etat considéré en application des dispositions conventionnelles.
La période de référence court de la date d'attribution de l'action gratuite à la date à laquelle le salarié est définitivement propriétaire du droit d'attribution, c'est-à-dire lorsqu'il a définitivement acquis le droit de se voir attribuer les actions gratuites (même si la période d'acquisition n'est pas encore expirée).
Ainsi, lorsqu'aucune condition suspensive n'est prévue pour l'acquisition de ce droit de se voir attribuer les actions gratuites, les périodes d'acquisition et de conservation des titres sont sans incidence sur la période de référence, qui correspond au jour de l'attribution des actions gratuites.
En revanche, si une condition de présence dans l'entreprise ou liée à des objectifs professionnels est prévue pendant la période d'acquisition des actions gratuites, la période de référence s'étend jusqu'à la date à laquelle le salarié est définitivement propriétaire du droit d'attribution, c'est-à-dire celle à laquelle ces conditions sont réalisées.
La résidence fiscale prise en compte est celle du bénéficiaire au moment du fait générateur de l'imposition, c'est-à-dire :
le jour de la cession lorsque les titres bénéficient du régime fiscal de faveur ;
le jour de l'acquisition dans le cas contraire.
Exemple
Le 1er janvier N, des actions gratuites sont attribuées à un salarié. L'acquisition des actions est subordonnée au respect d'une période d'acquisition de 2 ans au terme de laquelle le salarié sera propriétaire des titres, mais il n'est pas exigé que le salarié soit présent dans l'entreprise à la fin de cette période. Une période de conservation des titres de 2 années est également prévue.
Dès lors que le salarié est assuré de devenir propriétaire des titres au terme de la période d'acquisition, le droit d'acquisition est acquis au jour de l'attribution. La période de référence correspond au jour d'attribution.
Note
La loi Macron, adoptée le 6 août 2015, a modifié les modalités d'imposition des gains d'acquisition d'actions gratuites attribuées en vertu d'une décision prise à compter du 8 août 2015 : les gains résultant d'actions attribuées avant cette date sont imposés dans la catégorie des traitements et salaires, ceux résultant d'actions attribuées depuis lors sont imposés selon les règles applicables aux plus-values de valeur mobilières. Dans ses commentaires, l'administration fiscale a souligné que le gain d'acquisition conserve sa nature de gain salarial en dépit de la modification des modalités d'imposition. Il semblerait donc que ce changement soit sans effet sur les dispositions fiscales conventionnelles qui leur sont applicables s'agissant notamment des dispositions relatives à l'élimination des doubles impositions.
Application aux BSPCE
En cas de mobilité internationale du bénéficiaire du bon, le gain d'exercice est imposable dans le ou les Etats dans lesquels l'activité rémunérée par le bon a été exercée, sous réserve que la rémunération perçue au titre de cette activité soit imposable dans l'Etat considéré en application des dispositions conventionnelles.
La période de référence court de l'attribution du bon à la date à laquelle le bénéficiaire est propriétaire du droit d'exercer ce bon, c'est-à-dire lorsqu'il a définitivement acquis ce droit (même s'il ne peut pas l'exercer immédiatement).
La résidence fiscale prise en compte est celle du bénéficiaire au moment du fait générateur de l'imposition, c'est-à-dire au moment de la cession des titres acquis au moyen du bon.
Exemple
Le 1er janvier N, un salarié se voit attribuer des BSPCE qu'il pourra exercer lorsqu'il aura réalisé un chiffre d'affaires de 500 000 €. Il atteint cet objectif le 1er janvier N+2. Le délai d'exercice fixé par la société est de 10 ans.
Le salarié devenant propriétaire du droit d'exercice lorsqu'il réalise un chiffre d'affaires de 500 000 €, la période de référence court du 1er janvier N au 1er janvier N+2.