Limite plus-values / BNC : Opérations de bourse habituelles
Les plus-values boursières réalisées jusqu'au 31 décembre 2012 étaient en principe imposables dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières.
Toutefois, la loi prévoit une imposition de ces plus-values dans la catégorie des BNC lorsque le contribuable ne se contente pas de gérer un portefeuille en "bon père de famille".
Or ces 2 catégories de revenus ne sont pas soumises au même régime fiscal (barème progressif de l'IR pour les BNC, imposition forfaitaire de 12,8 % pour les plus-values sauf option pour le barème progressif de l'IR), social (les 1ères étant imposées dans la catégorie des revenus du patrimoine au taux de 17,2 %, les 2ndes dans celle des revenus d'activité au taux de 9,7 % en principe) et obéissent à des règles de détermination du revenu imposable distinctes.
Pendant longtemps le critère défini par la loi déterminant l'imposition des plus-values boursières dans la catégorie des BNC était le caractère habituel des opérations. Le code général des impôts faisait référence aux "opérations de bourses effectuées à titre habituel". Ce critère, relativement imprécis, a donné lieu à une jurisprudence fournie. L'administration et les tribunaux ont dégagé, par touches successives, des critères permettant de distinguer les opérations de bourse réalisées à titre patrimonial et celles qui sont réalisées à titre professionnel.
La loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement a mis un terme à cette évolution en abandonnant la référence au caractère habituel des opérations et en la remplaçant par un critère faisant référence à la réalisation d'opérations de bourse dans des conditions analogues à celles employées par les professionnels.
Critère introduit par la loi Sarkozy
L'imposition des plus-values boursières dans la catégorie des BNC n'est plus désormais appliquée qu'en cas de réalisation d'opérations de bourse effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations.
Pour l'appréciation de ces conditions, l'administration fiscale a précisé que la détention, la maîtrise et l'usage d'informations et de techniques d'intervention spécialisées ainsi que leur recherche organisée au profit d'opérations boursières nombreuses et sophistiquées (couverture, report...) sont des critères essentiels.
Elle a également précisé que le montant des gains retirés des opérations de bourse doit être apprécié par rapport aux autres revenus du contribuable, particulièrement ceux retirés d'activités professionnelles. Cela étant, le fait que les gains réalisés soient supérieurs aux revenus professionnels du contribuable n'est pas, en lui-même, suffisant pour qualifier le contribuable d'opérateur habituel.
En outre les opérations de bourse doivent être réalisées personnellement par le contribuable.
Dès lors, lorsque la gestion du portefeuille est effectivement confiée par mandat à un tiers, les gains ne peuvent pas être imposés dans la catégorie des BNC à condition que les clauses du mandat soient telles que l'on puisse considérer que le contribuable ne soit pas partie prenante aux décisions concernant la gestion du portefeuille. L'appréciation de cette situation résulte de l'examen du mandat conclu et des conditions de réalisation de ces opérations (termes du contrat de gestion, nature des objectifs fixés au gestionnaire du portefeuille, ...).
Selon l'administration elle-même, l'imposition dans la catégorie des BNC doit revêtir un caractère exceptionnel puisqu'elle est susceptible de concerner les opérations de bourse qui, outre leurs aspects quantitatifs et qualitatifs rappelés plus haut, sont réalisées personnellement par le contribuable dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations.
A cet égard, l'utilisation même fréquente de l'outil informatique du réseau Internet et du courtage en ligne pour gérer son portefeuille, qui permet le cas échéant d'accélérer la vitesse de rotation d'un portefeuille et de faciliter les transactions boursières, ne constitue pas, par elle-même, un critère suffisant pour qualifier fiscalement les produits retirés des opérations comme relevant des BNC.
Evolution de la jurisprudence avant la loi Sarkozy
Face à l'imprécision de la notion "d'opérations réalisées à titre habituel" auquel faisait référence la loi avant 2004, l'administration et les tribunaux avaient dégagé, par touches successives, des critères permettant de distinguer les opérations de bourse réalisées à titre patrimonial et celles qui étaient réalisées à titre professionnel.
Anciens critères retenus en pratique par l'administration
Jusqu'à un arrêt du Conseil d'Etat du 14 février 2001, la doctrine administrative et la jurisprudence se fondaient sur un faisceau d'indices tels que :
l'importance du portefeuille,
le nombre et la fréquence des opérations effectuées, leur nature (ordres d'achat et de vente, importance financière et volumes échangés), la technicité qu'elles requièrent, et leur échelonnement dans le temps,
la diversité des titres ou des contrats souscrits, la pluralité des marchés financiers sur lesquels intervient l'épargnant,
la durée moyenne de conservation des titres, le nombre d'allers et retours effectués sur de courtes périodes, c'est-à-dire la vitesse de rotation du portefeuille.
La gestion active, directe et éclairée de son portefeuille par un épargnant qui prend les initiatives et assume seul ses arbitrages, sans passer par un intermédiaire, pouvait induire des opérations en bourse fréquentes et pouvait, s'il n'y prenait garde, l'entraîner vers le statut d'investisseur "professionnel".
Ces critères conduisaient à donner une définition extensive des opérations de Bourse réalisées à titre habituel. Or, les habitudes des particuliers ont évolué, parallèlement au développement d'Internet et à l'accroissement du nombre de clients des services boursiers en ligne. Poussés notamment par l'attrait de périodes haussières, "grisés" par les facilités de passage des ordres de bourse sur Internet, renforcés par la multiplicité des informations financières accessibles, les particuliers investissent, désormais en France, de manière de plus en plus active et spéculative, voire parfois de façon acharnée. Les critères précédents définissant l'activité boursière habituelle n'étaient de ce fait plus tout à fait adaptés.
Apparition d'un nouveau critère distinctif : intervention professionnelle et tenue d'une comptabilité
Le Conseil d'Etat s'était dégagé de sa traditionnelle analyse multicritères en établissant une nouvelle définition plus favorable aux contribuables, redéfinissant la frontière entre gestion patrimoniale d'un portefeuille boursier et gestion professionnelle (CE, 14 février 2001, n°189572, Boniface).
Les opérations de Bourse réalisées à titre habituel par un particulier sont désormais celles qui sont "effectuées dans des conditions analogues à celles caractérisant une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations".
Le critère distinctif reposait donc sur la comparaison entre les habitudes du contribuable concerné et les modalités d'intervention des professionnels sur les marchés financiers.
En se référant aux conditions d'exercice desdits professionnels, cette décision donne un critère d'identification plus strict qui a été précisé par un arrêt du 3 février 2003 qui avait dégagé des éléments permettant de les caractériser. Ainsi, la qualification d'opérations habituelles supposait :
que le contribuable ait la possibilité d'utiliser l'ensemble des moyens et informations mis à la disposition d'un professionnel,
qu'il ait procédé à des opérations caractérisées par l'ampleur, la diversité et la fréquence des opérations compte tenu de l'importance de son patrimoine personnel.
Un contribuable qui effectue des opérations de Bourse à titre habituel était celui qui bénéficie d'un réel savoir-faire professionnel.
L'utilisation de découverts importants, la diversité des titres négociés, les conditions de réalisation des opérations et leur technicité sont pris en compte, seuls les professionnels avisés intervenant dans ces conditions (CE 5 novembre 2003, n°241201, Riglet).
Enfin, le Conseil d'Etat a précisé (CE, 25 avril 2003, n° 231084, Melon) qu'un particulier qui confie la gestion de son portefeuille à un professionnel ne peut être considéré comme effectuant lui-même des opérations de bourse dans des conditions analogues à celles d'une activité professionnelle quelle que soit l'importance des opérations réalisées (en l'espèce, sur une période de 3 ans, 575 ordres ont été passés sur 423 553 titres correspondant à 191 valeurs différentes dont la durée de détention dépassait rarement 1 an).