Frais réels - Frais, droits et intérêts d'emprunt pour l'acquisition de titres de son entreprise

Résumé

Les salariés qui optent pour la déduction des frais réels peuvent, sous certaines conditions, déduire de leur revenu imposable les frais, droits et intérêts d'emprunt contractés pour l'acquisition d'actions de la société dans laquelle ils exercent lorsque cette acquisition permet de faciliter la poursuite de leur activité.

 

Les salariés, ainsi que les dirigeants fiscalement assimilés qui optent pour le régime des frais réels peuvent déduire de leur rémunération les frais, droits et intérêts d'emprunt contractés pour l'acquisition, le cas échéant par voie de souscription au capital initial ou à des augmentations de capital, des titres de la société dans laquelle ils travaillent en vue de la poursuite de leur contrat de travail, voire de la conclusion de celui-ci.

Cette déduction est possible alors même qu'aucune circonstance de fait, ni aucun texte n'oblige le salarié à acquérir les titres de sa société.

Conditions de la déduction

La déduction est subordonnée au respect de 3 conditions :

les salariés et dirigeants doivent exercer leur activité professionnelle principale dans la société dont ils achètent ou souscrivent les parts ou actions ;

la société doit avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;

l'acquisition ou la souscription des titres doit être utile à l'acquisition ou à la conservation de leurs revenus.

 Note

Les intérêts d'emprunt contractés pour l'acquisition de titres de la société dans laquelle il travaille ne sont pas déductibles des dividendes perçus par le contribuable mais bien des salaires au titre des frais réels.

Personnes concernées

Sont concernés par cette déduction les salariés et dirigeants fiscalement assimilés qui optent pour le régime des frais réels.

Les dirigeants concernés sont ceux qui sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires ou relevant de l'article 62 du CGI.

 

Les salariés et dirigeants doivent exercer leur activité professionnelle principale en qualité de salarié et/ou de dirigeant dans la société dont ils rachètent les titres. L'activité professionnelle principale est celle à laquelle le contribuable consacre le plus de temps effectif ou, si ce critère n'est pas applicable, celle qui lui procure plus de 50 % de l'ensemble de ses revenus professionnels (nets imposables).

Cette condition s'apprécie tous les ans avec 2 assouplissements :

l'année d'acquisition ou de souscription des titres, cette condition s'apprécie à partir du 3ème mois suivant l'acquisition ou la souscription des titres,

l'année de cession des titres, elle s'apprécie jusqu'à la cession des titres.

Titres concernés

La société acquise doit remplir les conditions suivantes :

être passible de plein droit de l'IS ou sur option,

exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Ainsi, sont notamment exclues les sociétés dont l'activité est la gestion de leur propre patrimoine mobilier (sociétés civiles de portefeuille, SCR, holdings non animatrices) ou immobilier.

La forme juridique de la société importe peu sous réserve que les titres concernés soient des actions ou des parts sociales, déjà émises ou à émettre.

Utilité de l'opération pour l'acquisition ou la conservation du revenu

Pour pouvoir bénéficier de la déduction, Il doit exister un lien direct entre :

la conclusion ou la poursuite du contrat de travail ou de mandat social,

l'acquisition ou la souscription des titres,

et enfin la souscription de l'emprunt.

Cette condition doit être appréciée au cas par cas. Le seul fait pour un salarié ou un dirigeant d'exercer son activité professionnelle dans une société n'est pas suffisant pour établir l'utilité de l'acquisition des titres de cette société à l'acquisition ou la conservation de la rémunération versée par cette société. Toutefois, dans certains cas cette utilité est présumée.

Utilité présumée

Salariés et dirigeants membres de professions réglementées

Les statuts de certaines professions réglementées imposent un pourcentage minimal, au sein de sociétés de capitaux, d'associés disposant d'une qualification professionnelle spécifique. Il en est notamment ainsi pour les membres des sociétés d'exercice libéral (SEL), qui peuvent être formées entre des avocats, des experts comptables, des pharmaciens ou des huissiers, dont les dirigeants et les 2/3 des membres du conseil d'administration ou de surveillance doivent être des associés exerçant leur profession au sein de la société et dont la moitié des actions ou parts doit être détenue par des professionnels exerçant leur activité au sein de la société.

Dès lors que l'exercice de leurs fonctions au sein de la société considérée implique ainsi pour les intéressés une participation à son capital, les membres des professions réglementées peuvent déduire, pour la détermination de leur rémunération nette imposable à l'impôt sur le revenu les frais, droits et intérêts d'emprunts versés pour l'acquisition des titres de ladite société.

Il en va de même des associés de ces mêmes professions, qui exercent leur activité au sein de sociétés civiles professionnelles (SCP) qui ont opté pour l'IS.

Les dirigeants des sociétés de capitaux (gérants, présidents de conseil d'administration, membres de directoire, président de conseil de surveillance, directeurs généraux) peuvent également déduire les intérêts d'emprunts souscrits pour l'acquisition de titres de la société dans laquelle ils exercent leurs fonctions. Il en est de même pour les gérants de SCP soumises à l'IS, dès lors que le statut de la profession concernée l'exige ;

Reprise ou création d'entreprise

La condition d'utilité est présumée remplie lorsque la personne acquiert des actions ou parts d'une société déjà existante en vue d'y exercer son activité professionnelle principale en qualité de salarié ou dirigeant, et que l'exercice de cette activité découle directement de cette acquisition. Tel est notamment le cas lorsque l'acquisition des titres permet la reprise ou la création d'une entreprise par une personne qui en prend le contrôle, en devient le dirigeant et y exerce son activité professionnelle principale.

Utilité à justifier

Dans les autres situations la déduction est admise dès lors que l'utilité directe de cet achat pour l'acquisition ou la conservation des revenus est effectivement établie.

Tel pourra être le cas lorsque l'acquisition ou la souscription des titres :

a pour objet d'assurer la pérennité de la société confrontée à des difficultés financières, constatée par l'ouverture d'une procédure collective, et donc, en définitive, de permettre à l'intéressé de préserver son revenu,

est nécessaire pour accéder à de nouvelles fonctions dans la société dans laquelle l'activité est exercée (salarié qui deviendrait associé d'une société et accéderait ainsi à des fonctions de dirigeant).

En revanche, la déduction est refusée si l'acquisition ou la souscription des titres n'a aucun effet sur la situation professionnelle de l'intéressé, mais répond simplement à un objectif de constitution d'une épargne sous la forme d'un portefeuille de valeurs mobilières ou de droits sociaux (notamment dans le cadre des dispositifs d'épargne salariale et d'actionnariat salarié).

Montant de la déduction

Dépenses admises en déduction

Sont admis en déduction :

les frais et droits supportés pour l'acquisition ou la souscription des titres (commissions, honoraires, droits d'enregistrement, frais d'actes) ;

les intérêts d'emprunt (à l'exclusion du remboursement du capital) ainsi que les frais et droits y afférents (frais de dossiers acquittés lors de la souscription du prêt, cotisations d'assurance destinées à en garantir le remboursement, droits d'enregistrement acquittés lors de la présentation volontaire de l'acte de prêt à la formalité, bien que celle-ci ne soit pas requise (droit fixe de 125 €).

Seuls les frais, droits et intérêts d'emprunt effectivement payés au cours de l'année d'imposition sont admis en déduction, sous réserve du respect de la règle de proportionnalité décrite ci-dessous.

Les frais de garde des titres ne sont pas admis en déduction au titre des frais professionnels mais le sont dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers auxquels ils se rapportent.

Plafond de déduction

Le montant des intérêts ne doit pas être hors de proportion avec les rémunérations perçues, ou escomptées à brève échéance, par le salarié au moment de l'acquisition ou de la souscription des titres, c'est-à-dire ne pas correspondre en fait à la constitution d'un patrimoine dépassant l'utilité pour la poursuite de l'activité salariée.

Principe - Règle du "triple"

A titre de règle pratique, et par analogie avec les pertes sur engagements de caution, le montant des frais, droits et intérêts déductibles est présumé correspondre à ceux dus pour la part de l'emprunt qui n'excède pas le triple de la rémunération annuelle allouée au salarié, ou escomptée à brève échéance, lors de la souscription de l'emprunt.

Pour effectuer cette comparaison, il convient de retenir :

le montant total du capital emprunté,

le montant de la rémunération perçue ou escomptée à court terme l'année où l'emprunt est contracté :

la rémunération à prendre en compte s'entend des revenus imposables selon les règles de droit commun applicables aux traitements et salaires (à l'exclusion de toutes les autres catégories de revenus, notamment des revenus de capitaux mobiliers ou des gains de cessions de valeurs mobilières) retenus pour leur montant net avant prise en compte des déductions pour frais professionnels. Elle inclut notamment la totalité des primes et indemnités et imposables, à l'exception des sommes versées ou des gains réalisés dans le cadre des dispositifs d'épargne salariale ou d'actionnariat salarié. Les éléments de rémunération exonérés (prime d'impatriation, rémunération correspondant à l'activité effectuée à l'étranger) ne sont également pas pris en compte.

la rémunération de référence est celle perçue ou escomptée à court terme l'année au cours de laquelle l'emprunt est souscrit. Ainsi, lorsque le salarié n'a travaillé qu'une partie de l'année dans la société dont il acquiert des titres, la règle du triple s'apprécie par référence avec la rémunération annuelle qu'il escompte au moment de la souscription de l'emprunt.

Lorsque la prise de fonctions du salarié ou du dirigeant intervient en l'année suivante (N+1), la rémunération à prendre en compte est celle qu'il percevra en N + 1 et, les intérêts d'emprunt seront déductibles du revenu imposable en N, le déficit catégoriel éventuellement constaté étant imputable sur son revenu global.

Lorsque le salarié exerce déjà son activité dans la société lors de l'acquisition ou de la souscription des titres, la rémunération de référence est celle perçue au cours de l'année d'acquisition ou de la souscription des titres ou celle escomptée à compter du moment où il devient associé.

Seule la rémunération perçue ou escomptée au titre de l'exercice de l'activité principale dans la société doit être retenue. Les rémunérations perçues au titre d'autres activités ou mandats ne sont pas prises en compte.

 Exemple

Un salarié acquiert des titres de la société dans laquelle il va exercer son activité le 1er juillet N et perçoit, à compter de cette même date, une rémunération mensuelle de 5 000 €. Il a également perçu une rémunération de 50 000 € au titre de son activité dans une autre société jusqu'à l'acquisition des titres. La rémunération à retenir pour l'application de la règle dite du "triple" au titre de l'année N et des années suivantes est la rémunération annuelle escomptée au moment où l'emprunt est souscrit, c'est-à-dire 5 000 x 12 = 60 000 €.

 

Lorsque le montant de l'emprunt est supérieur au triple de la rémunération, seuls les intérêts correspondant à la part de l'emprunt qui n'excède pas le triple de la rémunération annuelle perçue ou escomptée sont déductibles.

 Exemple

En 2017, un salarié a perçu une rémunération de 100 000 € et acquis 600 000 € de titres de la société dans laquelle il travaille par un emprunt de même montant représentant au total 80 000 € d'intérêts. Le montant de l'emprunt qu'il a contracté (600 000 €) est supérieur au triple de la rémunération qu'il a perçue en 2017 (3 x 100 000 € = 300 000 €).

En 2017, le salarié verse 10 000 € d'intérêts. Le montant d'intérêts déductibles au titre des frais réels est de :
[(100 000 x 3) / 600 000] x 10 000 = 5 000 €

En 2018, le salarié verse 8 000 € d'intérêts. Le montant des intérêts déductibles au titre des frais réels sera de :
[(100 000 x 3) / 600 000] x 8 000 = 4 000 €

Acquisitions successives de titres sur plusieurs années

En cas de souscription de plusieurs emprunts au cours de différentes années, cette règle de proportionnalité entre les emprunts souscrits et la rémunération annuelle perçue ou escomptée est appréciée, pour chaque emprunt, en prenant en compte le montant cumulé du capital restant dû au titre de l'ensemble des emprunts au moment où le nouvel emprunt est souscrit.

Lorsque le montant total du capital emprunté excède 3 fois la rémunération perçue ou escomptée, les frais, droits et intérêts qui correspondent à la part du ou des emprunts qui excèdent ce plafond ne sont pas déductibles.

 Exemple

Un expert comptable acquiert sur plusieurs années des titres du cabinet dans lequel il travaille.
Le tableau suivant retrace les différentes acquisitions qu'il a réalisées et les emprunts qu'il a souscrits. Les emprunts sont réputés contractés au 1er janvier de l'année.

 

N

N+2

N+3

Rémunération annuelle

50 000 €

70 000 €

80 000 €

Montant des titres acquis et montant de l'emprunt souscrit

15 000 €

235 000 €

20 000 €

Montant total des intérêts afférents à l'emprunt souscrit la même année

4 000 €

50 000 €

6 000 €

Montant annuel des intérêts afférents à l'emprunt souscrit la même année payés au cours de l'année d'imposition

800 €

5 000 €

1 200 €

Montant du capital afférent à l'emprunt souscrit remboursé chaque année

3 000 €

23 500 €

4 000 €

 

L'emprunt souscrit en N (15 000 €) est inférieur au triple de la rémunération, les intérêts de cet emprunt seront intégralement déductibles (soit 4 000 € au total et 800 € par année d'imposition).

En N+1, pas de nouvel emprunt. Il rembourse 3 000 € de son 1er emprunt et acquitte 800 € d'intérêts d'emprunt qu'il peut déduire en totalité.

L'emprunt souscrit en N+2 (235 000 €) porte le montant total du capital emprunté en N+2 [ 235 000 + 15 000 - (2 x 3 000) = 244 000 € ] à un montant qui excède le triple de sa rémunération (3 x 70 000 € = 210 000 €).
Les intérêts afférents à cet emprunt ne seront que partiellement déductibles. Les intérêts déductibles seront ceux qui correspondent à la part du capital inférieure au triple de sa rémunération N+2 diminué du capital restant dû au titre du premier emprunt au moment où le 2ème emprunt est contracté soit :
[(210 000 - 9 000) / 235 000] x 50 000 € = 42 766 €
Le solde des intérêts du 2ème emprunt, soit 7 234 € ne seront pas déductibles.
Au titre de chaque année d'imposition, le contribuable pourra déduire 86 % [(210 000 € – 9 000 €) / 235 000 €] des intérêts afférents à cet emprunt payés au cours de l'année.

L'emprunt qu'il a souscrit en N+3 (20 000 €) porte le montant total du capital emprunté en N+3 à un montant qui n'excède pas le triple de sa rémunération en N+3 :
15 000 - (3 x 3 000) + (235 000 - 23 500) + 20 000 = 237 500 €.
Les intérêts du 3ème emprunt (6 000 €) seront donc déductibles en totalité.

En N+4, le salarié pourra déduire de ses revenus la somme de 6 300 € au titre des intérêts d'emprunt. Ce montant correspond à la somme des intérêts déductibles au titre de chaque emprunt : (800 + (5 000 x 86 %) + 1 200).

Acquisition financée en partie par un apport de fonds personnels

Dans le cas où l'acquisition des titres est financée pour partie par un emprunt et pour partie par un apport de fonds personnels, l'administration considère qu'il faut retenir le coût total de l'acquisition (y compris donc la fraction non financée par l'emprunt dont le contribuable sollicite la déduction des intérêts).

Les intérêts déductibles sont ceux qui correspondent à la part de l'emprunt qui n'excède pas le triple de la part de la rémunération proportionnelle à la part de l'acquisition financée par l'emprunt.

 Exemple

Un salarié acquiert des titres de la société dans laquelle il travaille pour un montant de 700 000 €, financé par des fonds propres à hauteur de 400 000 € et par un emprunt de 300 000 € qui génère un montant total d'intérêts de 80 000 €. Le salaire annuel net dont bénéficie le salarié à la suite de cette acquisition est de 100 000 €.

Le prix d'achat des titres acquis facilitant la poursuite du contrat de travail est égal à : 100 000 € x 3, soit 300 000 €.

Le montant des intérêts déductibles s'élève en conséquence à : (300 000 / 700 000) x 80 000, soit 34 286 €.

Au titre de chaque année d'imposition, le contribuable pourra déduire 43 % (34 286 / 80 000) des intérêts qu'il a payés.

Transformation d'une société de personnes en société soumise à l'IS

Les intérêts d'emprunt qui, du fait de la transformation d'une société de personne en société soumise à l'IS ou en cas d'option pour la soumission à cet impôt, ne peuvent plus être déduits du bénéfice imposable peuvent, sous réserve de remplir toutes les conditions prévues, être déduits en application du présent dispositif.

Dans ce cas, la condition de proportionnalité s'apprécie en comparant le triple de la rémunération imposable selon les règles de droit commun des traitements et salaires versée ou escomptée à compter de la transformation de la société ou de son changement de régime fiscal avec le montant du capital restant à rembourser à cette date.

Non-cumul de la mesure avec d'autres dispositifs

Cette déduction n'est pas autorisée lorsque la souscription ou l'acquisition des titres a donné lieu aux réductions d'impôt suivantes :

réductions d'impôt au titre de la souscription en numéraire au capital des PME (IR et ISF),

réduction d'impôt au titre des intérêts des emprunts souscrits pour la reprise d'une entreprise.

Elle ne peut pas non plus concerner les intérêts liés à la souscription ou à l'acquisition de titres figurant dans un PEA ou dans un plan d'épargne salariale.

Les intérêts d'emprunt déjà admis en déduction du revenu imposable au titre de dispositions spécifiques ne peuvent pas être à nouveau déduits au titre des frais réels. Les contribuables doivent, le cas échéant, effectuer un choix entre la déduction des intérêts d'emprunt au titre des frais réels et le bénéfice de ces régimes de faveur.

La décision de bénéficier des réductions d'impôt mentionnées ci-dessus ou d'inscrire les titres dans un PEA ou un plan d'épargne salariale entraîne la renonciation définitive, pour l'année considérée et les années suivantes, à la possibilité de déduire les intérêts d'emprunt au titre des frais réels.

Par ailleurs, les frais et droits déduits ne pourront être à nouveau admis en déduction pour la détermination de la plus-ou moins-value de cession des titres.

 Déclaration n° 2042

Le contribuable doit joindre à sa déclaration n° 2042 une note exposant le détail des frais dont il demande la déduction et, notamment, le détail des intérêts d'emprunts. Il doit être en mesure de produire, à toute demande du service, le contrat de prêt, le plan d'amortissement et tous justificatifs afférents aux frais.